FERDINAND WEBZINE

http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/atlas.jpg Les paysages arides, rocheux de Loin des Hommes sont venus se poser avec justesse sur notre mois de janvier chahuté, et les balbutiements de 2015 déjà un peu froissés, abîmés. L'intrigue se déploie dans l'Algérie coloniale de 1954, aux prémices de la guerre. David Oelhoffen a choisi Viggo Mortensen et Reda Kateb pour les rôles principaux et l'on se réjouit de la place accordée à l'acteur français, pour une fois pas cantonné à un personnage aux proportions absurdes ni au rôle de "l'arabe de service" (comprendre à problèmes) qu'il déplore si souvent (c'est-à-dire au choix prisonnier dans Un prophète, kidnappeur dans A moi seul, terroriste dans Zero Dark Thirty, etc) même si, de fait, son personnage est ici celui d'un algérien. L'américain aux origines danoises surprend quant à lui par l'envergure de son français et joue le rôle, certes un peu caricatural, du taiseux, de l'homme droit, et qui s'entremêle habilement aux décors siliceux. Les ocres, les jaunes, les roches et la poussière chaude de la terre se posent, majestueux, sur un décor minimaliste fait de montagnes, d'une école tenue au milieu de nulle part qui se prolongeront en un western moderne dès lors qu'il s'agira de prendre la route, d'emprunter d'abrupts sentiers.
Entre menaces sourdes, violence et exactions de toutes parts, lot hélas ordinaire d'une guerre d'Algérie telle que nous la connaissons, le réalisateur choisit de suivre la voix de Camus - dont L'hôte et Chroniques algériennes constituent la trame de cette adaptation, qui demeure néanmoins assez libre. C'est ainsi au cœur de la confusion et du chaos que s'initie la rencontre Daru (Viggo Mortensen) / Mohamed (Reda Kateb) qui, au long du périple qu'ils entament, va peu à peu, au rythme des péripéties, des moments joyeux ou plus difficiles, s'éprouver, se transformer en amitié.

http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/guerre.jpg

http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/reda.jpgAu milieu des exactions de l'armée française, de la violente résolution des rebelles dans leur quête d'indépendance, car comme dit "c'est la guerre", cette rencontre entre deux hommes à la langue, aux religions et origines différentes élargit les perspectives, interroge le rapport à autrui, la confiance que l'on construit et la nécessité, peut-être, de partager. Malgré ce qui les sépare, quelque chose naît et grandit, s'abreuve dans le sillon de l'espérance. Ce long-métrage au silence, au grondement lumineux des montagnes de l'Atlas - on pense d'ailleurs à la musique rêveuse et nourrie de ces décors comme de ce nom de François & the atlas mountains, notamment au titre Azrou Tune - sorti ce 14 janvier, nous donne une lueur d'espoir face au climat que l'on connaît. Se pose alors la question du rôle du cinéma, de l'art. Peut-être pouvons-nous alors prendre le temps de nous poser devant ces 2h05 pour réfléchir à un devenir-possible ensemble, un devenir qu'il faudrait réunifier, sans toutefois estomper, renier ou pointer les valeurs de l'autre; et arrivés ici, on ne sait plus très bien si l'on doit remercier David Oelhoffen ou l'éternel sentiment évoqué par Camus au fil de son œuvre, celui d'une impossibilité à choisir entre la France, pays dont il portait la nationalité, et l'Algérie, celui de sa culture, car comment choisir entre deux mondes qui sont les nôtres, deux mondes comme un père et une mère et qui pourtant s’entre-tuent. C'est, semble-t-il, sans prendre stérilement partie, sans ériger français en bourreaux machiavéliques ni algériens en innocentes victimes (même si l'on sait leur combat juste), que le réalisateur nous emmène à réfléchir sur la nécessité ou non de procéder justement à un choix, et à un éventuel vivre ensemble, comme seule réponse possible à la barbarie. La certitude n'est de toute façon pas tant celle du choix que de la résistance.

Publié par le webzine.

Expression libre

Ajouter un commentaire

Aucun commentaire n'a encore été ajouté !
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/trackback/3272104

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast