jemappelleferdinand - -http://jemappelleferdinand.cowblog.frUn webzine sur le cinéma, la photographie et la peinture.CowblogfrThu, 27 Aug 2015 16:14:24 +0200180http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/jean-genet-l-atelier-d-alberto-giacometti-3274465.htmlJean Genet, L'atelier d'Alberto Giacometti
"Cet atelier, d'ailleurs, au rez-de-chaussée, va s'écrouler d'un moment à l'autre. Il est en bois vermoulu, en poudre grise, les statues sont en plâtre, montrant la corde, l'étoupe, ou un bout de fil de fer, les toiles, peintes en gris ont perdu depuis longtemps cette tranquillité qu'elles avaient chez le marchand de couleurs, tout est taché et au rebut, tout est précaire et va s'effondrer, tout tend à se dissoudre, tout flotte : or, tout cela est comme saisi dans une réalité absolue. Quand j'ai quitté l'atelier, quand je suis dans la rue c'est alors que plus rien n'est vrai de ce qui m'entoure. Le dirai-je? Dans cet atelier un homme meurt lentement, se consume, et sous nos yeux se métamorphose en déesses."
Jean Genet, L'atelier d'Alberto Giacometti.
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3274465.htmlThu, 27 Aug 2015 16:14:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/jean-genet-l-atelier-d-alberto-giacometti-3274465.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/faut-il-apprecier-rohmer-pour-acheter-du-agnes-b-joan-didion-en-egerie-celine-et-autres-reflexions-autour-de-la-mode-3272596.htmlFaut-il apprécier Rohmer pour acheter du Agnès B., Joan Didion en égérie Céline et autres réflexions autour de la mode.http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/celinejoandidionspring2015holding.jpg
     La mode, on le sait, est un art à double tranchant. Dès les prémices de cette terminologie glissante justement, de ce mot simple et presque désincarné à la longue mais que certains refusent d'apposer sur le phénomène. La mode est-elle réellement un art? Si oui, que nous dit-elle du monde? Entre Picasso et H&M, pas grand chose à voir, a priori. Et pourtant si la mode, le vêtement sont art, peuvent-ils se contenter de ne l'être que dans la haute couture ou chez les créateurs? Depuis l'invention de la photographie et les sempiternelles interrogations soulevées par Walter Benjamin dans L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, on a tendance à penser que ce qui peut se reproduire, se décupler, falsifie, assombrit l'original. Je ne sais plus quel peintre disait qu'il fallait que notre fascination, obsession pour l'original cesse, car une copie pouvait être bien meilleure qu'un original justement, même si notre société a du mal à l'admettre, ou même tout simplement le penser. Duchamp et avec lui tout "l'art moderne" viennent nous le démontrer, et cristalliser l'intérêt de l'art dans le geste, la pensée plus que -mais pas toujours au détriment- dans l'objet qui en découle, dans l'histoire plutôt que dans le résultat donc. Idée assez frappante, surtout si l'on prend le temps de se dire que s'il y a bien un domaine qui échappe au diktat de la productivité, du chiffre, en bref du résultat, c'est l'art. Mais il ne s'agit pas de présenter n'importe quoi, évidemment, seulement de se dire que l'art est intéressant dès lors que l'on se l'approprie, qu'on le projette et se projette à travers lui, grâce à nos émotions, nos sensibilités. L'art est donc histoires, il les raconte en même temps qu'il naît de celles-ci. Le processus créatif réside de toute façon plus dans la recherche que dans le résultat, celui-ci venant parfois simplement plaquer, relater, apposer l'aboutissement des recherches de l'artiste. Le but étant de secouer, d'interroger, d'émouvoir et/ou de remettre en cause.

     Ici donc, Joan Didion, nouvelle égérie Céline. Certes, les mannequins sont des faire-valoirs, des concepts tout prêts pour faire vendre, et personne ne saurait être dupe de la campagne arty de Phoebe Philo, campagne qui, comme tant d'autres, a pour but de nous faire adhérer à une image, de nous faire croire qu'en portant les vêtements de la marque cette image se dégagera naturellement et comme par enchantement de nous. Ainsi en est-il des "concept-store", des "concept-food" et tous ces concepts-à-particule branchouilles déclinés à l'envie ces dernières années, ou encore des magasins de la griffe Agnès B. qui parsèment les lieux de DVD de la nouvelle vague (pour quoi faire?). On pourrait se dire qu'avoir pour égérie une artiste-écrivain, qui plus est de 80 ans, coïncide complètement avec cette volonté d'imposer un ADN bien reconnaissable qui fera oublier qu'il s'agit d'une publicité, pour substituer à la suspicion qui se dégagerait de celle-ci  ("quoi? encore me faire acheter?") un "ça a d'la gueule" étonné et/ou conquis. Reste que cette intellectualisation du vêtement, cette approche, presque entièrement détachée de la sape - comme pour la reléguer au second plan, nous dire " on sait que le monde de la mode est superficiel, mais regardez, nous (en l'occurence Céline) ne sommes pas que des vêtements, ne sommes pas que des mannequins glacées désincarnées, mais bien des idées, des histoires justement -, bref cette approche tape dans l'oeil. Et ce, passé  même le premier étonnement.
 
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/joandidion.jpg Joan Didion en 1968, photos ayant déjà inspiré les visuels de la précédente campagne Céline réalisée par Juergen Teller
 
     L'interrogation lancinante autour de l'âge des mannequins - qui ne sont plus seulement mannequins mais bien personnalités -, n'arrive pas comme un cheveux sur la soupe mais bien au contraire comme un signe du temps bien pensé à l'heure où la nouvelle mode capillaire vire au blanc et au gris, même et surtout pour les plus jeunes, et où le maquillage perd ses éternelles pigmentations noires pour se parer d'une blancheur polaire et/ou précoce.

     Alors, marketing bien orchestré - et c'est sans doute ce qui peut le plus irriter dans ce monde de la mode lorsqu'on veut y apposer le mot d'art - ou véritables pistes à creuser d'une société qui cherche de nouveaux repères, cette nouvelle "tendance" se situe sans doute entre les deux, mais, si l'on préfère rester critique pour ne pas se jeter d'un seul bond dans la gueule du loup, rien n'empêche d'y porter, en parallèle, un regard bienveillant et curieux, qui ne demande qu'à en voir davantage, car une fois le doute et la réflexion distillés, l'intérêt n'en demeure que plus sincère. Et bien sûr qu'intégrer le troisième âge dans la mode reste un acte révolutionnaire - toute proportion gardée -, marketing bien travaillé ou non. 
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3272596.htmlMon, 30 Mar 2015 15:59:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/faut-il-apprecier-rohmer-pour-acheter-du-agnes-b-joan-didion-en-egerie-celine-et-autres-reflexions-autour-de-la-mode-3272596.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/loin-des-hommes-david-oelhoffen-2014-3272104.htmlLoin des hommes, David Oelhoffen (2014)
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/atlas.jpg Les paysages arides, rocheux de Loin des Hommes sont venus se poser avec justesse sur notre mois de janvier chahuté, et les balbutiements de 2015 déjà un peu froissés, abîmés. L'intrigue se déploie dans l'Algérie coloniale de 1954, aux prémices de la guerre. David Oelhoffen a choisi Viggo Mortensen et Reda Kateb pour les rôles principaux et l'on se réjouit de la place accordée à l'acteur français, pour une fois pas cantonné à un personnage aux proportions absurdes ni au rôle de "l'arabe de service" (comprendre à problèmes) qu'il déplore si souvent (c'est-à-dire au choix prisonnier dans Un prophète, kidnappeur dans A moi seul, terroriste dans Zero Dark Thirty, etc) même si, de fait, son personnage est ici celui d'un algérien. L'américain aux origines danoises surprend quant à lui par l'envergure de son français et joue le rôle, certes un peu caricatural, du taiseux, de l'homme droit, et qui s'entremêle habilement aux décors siliceux. Les ocres, les jaunes, les roches et la poussière chaude de la terre se posent, majestueux, sur un décor minimaliste fait de montagnes, d'une école tenue au milieu de nulle part qui se prolongeront en un western moderne dès lors qu'il s'agira de prendre la route, d'emprunter d'abrupts sentiers.
Entre menaces sourdes, violence et exactions de toutes parts, lot hélas ordinaire d'une guerre d'Algérie telle que nous la connaissons, le réalisateur choisit de suivre la voix de Camus - dont L'hôte et Chroniques algériennes constituent la trame de cette adaptation, qui demeure néanmoins assez libre. C'est ainsi au cœur de la confusion et du chaos que s'initie la rencontre Daru (Viggo Mortensen) / Mohamed (Reda Kateb) qui, au long du périple qu'ils entament, va peu à peu, au rythme des péripéties, des moments joyeux ou plus difficiles, s'éprouver, se transformer en amitié.

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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/reda.jpgAu milieu des exactions de l'armée française, de la violente résolution des rebelles dans leur quête d'indépendance, car comme dit "c'est la guerre", cette rencontre entre deux hommes à la langue, aux religions et origines différentes élargit les perspectives, interroge le rapport à autrui, la confiance que l'on construit et la nécessité, peut-être, de partager. Malgré ce qui les sépare, quelque chose naît et grandit, s'abreuve dans le sillon de l'espérance. Ce long-métrage au silence, au grondement lumineux des montagnes de l'Atlas - on pense d'ailleurs à la musique rêveuse et nourrie de ces décors comme de ce nom de François & the atlas mountains, notamment au titre Azrou Tune - sorti ce 14 janvier, nous donne une lueur d'espoir face au climat que l'on connaît. Se pose alors la question du rôle du cinéma, de l'art. Peut-être pouvons-nous alors prendre le temps de nous poser devant ces 2h05 pour réfléchir à un devenir-possible ensemble, un devenir qu'il faudrait réunifier, sans toutefois estomper, renier ou pointer les valeurs de l'autre; et arrivés ici, on ne sait plus très bien si l'on doit remercier David Oelhoffen ou l'éternel sentiment évoqué par Camus au fil de son œuvre, celui d'une impossibilité à choisir entre la France, pays dont il portait la nationalité, et l'Algérie, celui de sa culture, car comment choisir entre deux mondes qui sont les nôtres, deux mondes comme un père et une mère et qui pourtant s’entre-tuent. C'est, semble-t-il, sans prendre stérilement partie, sans ériger français en bourreaux machiavéliques ni algériens en innocentes victimes (même si l'on sait leur combat juste), que le réalisateur nous emmène à réfléchir sur la nécessité ou non de procéder justement à un choix, et à un éventuel vivre ensemble, comme seule réponse possible à la barbarie. La certitude n'est de toute façon pas tant celle du choix que de la résistance.

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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3272104.htmlSun, 01 Mar 2015 14:28:00 +0100http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/loin-des-hommes-david-oelhoffen-2014-3272104.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/un-livre-blanc-de-philippe-vasset-2007-3271351.htmlUn livre blanc de Philippe Vasset (2007) Il règne, dans Un livre blanc de Philippe Vasset, une atmosphère fluctuante, incertaine et comme perdue à la dérive. Les sons et la rumeur urbaine semblent happés, mimés sur les moteurs étouffés des périphériques, vrombissant au bord de la ville dans un langage tout juste audible. A travers les pérégrinations de l'auteur, nous pourrions tout aussi bien nous croire égarés dans ces films américains des années 90, quelque part dans ce que l'on nomme les suburbs, ces quartiers de banlieue oubliés et muets, où la vie semble se dérouler en demi-teinte, et où pourtant le quotidien subsiste, persiste et s'éprouve.

L'aspect quelque peu funambule, à la lisière d'un monde inarticulé, tout autant que surréaliste du texte, nous renvoie à l'esthétique lynchéenne si particulière, faite de nuits vaporeuses et d'intrigues inquiétantes, dans des décors néanmoins familiers. C'est précisément ce qui trouble et envoûte ici : une impression d'écart, d'expérience inusitée au contact de la ville, qui est pourtant notre lot journalier. Sans doute est-ce dû au projet de l'auteur, à son livre hybridé entre le documentaire et la poésie, entre l'intensément réel et le décalage fait de situations à la marge. Car c'est bien du dehors que ces expériences relèvent : et si les excursions, tantôt sommaires et avortées, tantôt proprement incongrues, se déploient avec tant de résonance, c'est que Philippe Vasset fait de la ville son matériau premier. Cette expérience, faite de débris, d'acier, de plastique informe et de rails abandonnés, nous rappelle le projet de la modernité tel qu'il a pu être formulé au XIXe dans ses confrontations aux nouveaux matériaux. Ainsi du fer, du verre ou des monstres sur rails plongés à toute vitesse dans la vie nouvelle, et le texte qui en résulte ici n'en est que plus fascinant. Nous pouvons alors songer aux vers de Baudelaire :  « la forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! que le cœur d'un mortel » (Le Cygne).

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La langue enfin, se prête à cette expédition singulière que constitue Un livre blanc, semblant mimer son rythme sur les aléas de l'errance du narrateur. Déployée par à-coups, puisant ses références et ses mouvements dans la désaffectation observée des terrains vagues et autres friches abandonnées. La langue, s'il est possible de l'énoncer ainsi, coïncide avec son sujet, et la sensation de fragmentation à laquelle nous rend sensible ce livre semble s'inscrire autant dans les expéditions de l'auteur que dans sa façon de les agencer et de les mettre en mots.

Il nous révèle ainsi la façon dont il a rédigé son œuvre, c'est-à-dire par à-coups, sous forme de notes brèves, qui plus est souvent prises sur le vif. D'où cette impression d'hybridité permanente, de projet poético-documentaire, comme ont pu en faire les situationnistes dont l'auteur nous révèle avec autodérision, au détour de la page 114 à 116, avoir tiré son projet de séjourner dans une tour d'aiguillage, 10 ans plus tôt. Il en va de même lorsqu'il nous raconte sa tentative inaboutie de dialoguer avec un mystérieux jardinier, puis son vol de fleurs comme une vengeance suite à l'absence de réponse. On pense alors aux actions-films-expéditions-filatures, peu importe comment il convient de les nommer, de Sophie Calle, et sa façon de flirter en permanence avec le happening, le documentaire et la fiction ; c'est-à-dire en somme des œuvres comme il semble que seul l'art contemporain puisse en délivrer : à la croisée de multiples supports et approches.

C'est donc au rôle de l'écrivain autant qu'à sa capacité de penser et questionner le réel ainsi que la langue que nous invite à réfléchir ce texte. Ce texte qui archive les espaces vacants de la carte comme derniers interstices de liberté, ces aspérités dont nous nous étonnions déjà qu'il y en ait autant sur le territoire si balisé d'une région comme l'Île-de-France, avec ses satellites et autres caméras de surveillance. Des archivages de « zones blanches » sur le fil de la ville, invisibles et prêtes à disparaître, comme Atget archivait le Paris pittoresque d'autrefois. Ainsi l'écrivain s'engouffre et s'aventure-t-il dans les rares brèches encore ouvertes sur l'inconnu et, peut-être, la nouveauté. En tout cas dans ce qui relève de la performance, à l'instar des fameux skaters en apnée « dans l'espace et le temps » évoqués plus haut. Le tout est d'éprouver et d'investir d'autres équilibres, d'emprunter d'autres chemins.

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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3271351.htmlMon, 19 Jan 2015 15:13:00 +0100http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/un-livre-blanc-de-philippe-vasset-2007-3271351.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/shake-shook-shaken-the-do-3269488.htmlShake Shook Shaken : The Døhttp://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/shook.png Après un premier album (A Mouthful, 2008) solaire, prometteur mais un brin fleurs bleues, naïf comme on construit une première oeuvre, The Dø revenait en 2011 avec Both Ways open jaws, plus sombre, aux arrangements parfois tellement travaillés que l'on frôlait l'illisibilité, notamment lors des concerts où la trompette de Dan s'entêtait jusqu'à l'écoeurement. Mais The Dø reste, depuis ses débuts, hors catégorie et a de quoi nous rendre plus qu'enthousiastes. Leur troisième album, Shake Shook Shaken, qui vient de sortir, s'affranchit de ces multiples instruments présents depuis leurs débuts, s'affranchit des acoustiques et d'une formule réussie qu'ils ont eu le bon sens de ne pas bêtement reproduire. 
Néanmoins une cohérence est bel et bien perceptible, notamment dans la plume d'Olivia, qui semble écrire de puissants contes lumineux, même lorsqu'elle aborde des choses très simples. Le "nous" a également pris le pas sur le "je" des précédents albums, pour un côté plus fédérateur comme elle le dit elle-même.
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/shake.jpgBeaucoup semblent déçus, trouvent ces nouvelles sonorités composées en Normandie trop communes, ou commerciales, c'est selon. Comme si musique populaire sonnait forcément avec manque d'exigence, comme si musique populaire regroupait tout ce qui passe en boucle sur les ondes, oubliant au passage que le plus important est ce que l'on injecte, ce que l'on donne de soi, peu importe le format. Format ou média légitimes dès lors que l'on ne fait pas de compromis pour les investir. Alors oui, ce troisième album est sans doute plus accessible, et tant mieux, puisque ça ne veut rien dire d'autre que de rencontrer un public. Public qui, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, est loin d'être idiot.

Ces sonorités épurées et synthétiques ont vu le jour dans un château d'eau du XIXe siècle au milieu des champs et via boîtes mails interposées, puisque le duo, qui l'était autrefois à la scène comme à la ville comme on dit, ne l'est plus qu'à la scène. "Pour le meilleur et pour le pire" peut-on lire et entendre un peu partout au fil de leurs interviews. Et c'est véritablement là que commencent les choses intéressantes : car en effet, comment créer à deux, exercice déjà périlleux en "temps normal", qui relève presque d'une bataille de tous les instants lorsque la rupture est entière, consommée? Et en effet c'est de courage, d'affrontement et de futur que le nerveux Shake Shook Shaken semble vouloir nous parler. Ainsi Olivia chante-t-elle "chaos is my second home", et de ce chaos émerge un album à la grammaire secouée.
Si l'on aurait pu attendre de cette séparation une fin définitive du groupe, ou une musique un peu éteinte, rabâchée, il n'en est rien : le duo franco-finlandais semble au contraire plus que jamais prêt à combattre, à l'instar des synthés entêtants et de la combinaison guerrière qu'Olivia arbore en toute occasion, et rouge s'il vous plait. De cette tenue de combat qui semble émerger d'une soudaine confrontation au monde moderne, d'une approche plus frontale de la musique, de la gestuelle nettement plus conquérante sur scène, de ces morceaux à l'épure scandinave, est né un album hargneux, plein d'espoir, sans doute le plus abouti à ce jour pour le duo. Un monde presque post-apocalyptique, industriel et composé d'immenses espaces bétonnés ou en friche, à l'instar du tarmac sur lequel est tourné le clip qui nous dévoile une chorégraphie ultra énergique en forme de manifeste surréaliste. Et de catharsis, car au fond c'est toujours de ça qu'il retourne.
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3269488.htmlThu, 23 Oct 2014 14:54:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/shake-shook-shaken-the-do-3269488.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/planites-patricia-apergi-la-danse-nomade-de-cinq-cometes-3269086.htmlPlanites, Patricia Apergi : la danse nomade de cinq comètes
La danse, pour certains considérée comme art suprême parce qu'en train de se faire au moment où nous la regardons, termine tout juste sa mise à l'honneur dans la ville de Lyon. Durant les derniers jours de la Biennale a eu lieu, au théâtre de Croix-rousse, la représentation Planites de Patricia Apergi. Planites comme les planètes, comme ces comètes que sont ces cinq garçons saccadés, élancés, à toute allure ou bien dans la difficulté à se mouvoir. Et les pas oscillent entre cette fièvre, ce tourbillonnement incessant et le chaos, la fragmentation, l'impossibilité parfois d'avancer, dire. Ainsi de la musique planante qui se coupe dès lors qu'un duo de danseurs se casse, et que, esseulé, un danseur éclairé sous le pâle halo blanc des projecteurs, n'arrive plus à bouger que par à-coups, et à parler en langue indéchiffrable. Une langue perdue, incompréhensible, éructée à la manière d'Artaud, parce qu'il faut tout de même persévérer, tenter le dialogue, la danse : le cri, oui. Le verbe semble alors coupé au couteau, à peine audible, déjà animal mais encore humain. Fracassé comme celui de Beckett, errant, dans un sens qu'il faut sans cesse aller chercher au-delà du discours et des formes : dans le mouvement, l'alignement des planites de ce quintet à la grâce butée, saccadée. Ainsi la chorégraphie nous évoque une danse au-delà du contemporain, puisée dans la rue, dans la gestuelle entêtante d'un monde urbain envoûtant et convulsé, nomade, périphérique et pourtant partout présent.]]>
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3269086.htmlSun, 05 Oct 2014 11:32:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/planites-patricia-apergi-la-danse-nomade-de-cinq-cometes-3269086.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/van-gogh-ou-l-enterrement-dans-les-bles-3268981.htmlVan Gogh ou l'enterrement dans les blés   http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/CafeTerraceatNightbyVincentVanGoghOSA397.jpg   


     "On a tôt fait avec ces figures de "Grands Hommes" ignorés de leur temps, comme Van Gogh, et si dédaigneusement, de ne plus voir en eux, devenus célèbres, mythiques après leur mort, qu'un nom, une oeuvre, un destin. Il n'y a pas de "destin". C'est chaque jour, à chaque heure, chaque minute et dans l'ignorance de la seconde suivante qu'ils ont vécu au sein de la banalité ambiante - et dans la détresse d'en être bannis; bannis de ces structures tièdes, protectrices, mais refusées car elles ne supportent pas le danger de la connaissance - ni la fragilité de ceux qui vont, lucides, à ce danger et qui ont, pourtant, d'autant plus cruellement besoin de ces refuges interdits. C'est dans le vertige quotidien qu'ils ont vécu les affres du désir, la jubilation, ses intermittences, les valeurs oscillantes, les défaillances du talent, le malaise et la culpabilité de croire à soi, de ne pouvoir faire autrement, ce qui signifie assister à sa différence, l'assumer, mais non point avoir confiance en soi. Bien au contraire, c'est souvent partager avec les autres, éprouver plus que les autres le dégoût, l'inquiétude, le mépris qu'ils ont envers celui qui pourrait toujours, tel Proust, se désigner comme "Moi, l'étrange humain".
     Ils se débattent dans l'ignorance de ce que représentera leur nom, leur oeuvre et dans l'horreur de vivre " ce destin" qui deviendra plus tard une anecdote, une rubrique d'encyclopédie; ils se débattent piégés hors du piège où la société convie à ces exercices de la mort codés par les lois, seule forme d'existence tolérée, qui oblitère la terreur de la différence et permet de glisser, anesthésié depuis toujours, vers la mort, au lieu d'y basculer vivant."

Van Gogh ou l'enterrement dans les blés, Viviane Forrester, p. 17-18.
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3268981.htmlMon, 29 Sep 2014 13:19:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/van-gogh-ou-l-enterrement-dans-les-bles-3268981.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/christine-and-the-queens-x-feu-chatterton-x-marc-desse-3268941.htmlChristine and the queens x Feu!Chatterton x Marc Dessehttp://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/arton173806.jpg
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 Christine and the queens n'est sans doute plus à présenter, mais qu'importe. Cette façon d'investir la langue française, de jouer avec le verbe, déjà difficile en littérature, se révèle extrêmement périlleuse dès qu'il est question de musique. Alors lorsqu'on entend la poésie - mot galvaudé il est vrai mais rien d'autre ne vient à propos de cette beauté, de cette simplicité brute - de Christine ou encore de Feu! Chatterton, il y a de quoi se réjouir. Surtout lorsque la musique n'est pas un prétexte, une vulgaire toile de fond servant simplement le chant et donc les mots. Ici, de la pop langoureuse et travaillée de C& the queens au rock frappé de reflets jazzy de F!C, les instruments, la rythmique ne servent pas les textes; ils marchent d'un même pas. Et puis ces artistes ont l'esprit joyeux et bien fait. Des interrogations sur le genre que l'on retrouve parsemées dans le discours et les titres de Christine alias Héloïse aux références poétiques et picturales du quintet parisien, on voit comme la création naît en terrain rigoureux. Maîtrisé de bout en bout. Les idées fusent tout en faisant de ces projets des paris cohérents, audacieux. Dans la même veine, le plus discret Marc Desse à la plume certes parfois trop mielleuse ou légère, mais qui sait aussi se faire noire, acérée et délicatement mélodieuse. Trois trajectoires pour une même génération à suivre.]]>
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3268941.htmlSat, 27 Sep 2014 19:10:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/christine-and-the-queens-x-feu-chatterton-x-marc-desse-3268941.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/les-combattants-thomas-cailley-2014-3268688.htmlLes combattants, Thomas Cailley (2014)http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/adele.jpg
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     Les Combattants est un film qui laisse pleinement l'espace nécessaire au déploiement de la plus en plus impressionnante Adèle Haenel. Déjà époustouflante dans Suzanne et L'homme qu'on aimait trop, qu'elle contribue d'elle seule à rendre intéressant, elle assoit et instaure véritablement son pedigree de haut vol dans ce film. C'est donc l'histoire d'Arnaud -Kévin Azaïs - et Madeleine, ou bien l'histoire d'une génération un peu à la dérive. C'est un réalisateur -Thomas Cailley - qui filme avec caractère la France du sud-ouest et les problèmes de fric, de passation, peut-être tout simplement les difficultés liées à l'héritage - une bourgeoisie molle qui invite à la fuite pour elle, une certaine apathie pour lui. Il y est question plus largement de trouver sa voie. Dans la vie, la famille, la société, et surtout en soi. La hargne à la fois populaire et distinguée d'Haenel se mêle parfaitement à la mélancolie paumée d'Azaïs, et les deux acteurs trouvent un équilibre qui leur permet de littéralement percer l'écran. 
     Ainsi le long-métrage semble se façonner à la manière d'une critique de la France et de la jeunesse d'aujourd'hui, comme les écrivains en formulaient autrefois. Entre les potes qui projettent de fuir à l'étranger et l'entreprise de la famille d'Arnaud qui galère à joindre les deux bouts depuis la mort du paternel, le réalisateur prend la société de front, disserte sur son individualisme massif, tout en ne renonçant pas à la poésie et à la part belle faite à la liberté, ici liée à la nature. La vérité est que ce film est extrêmement difficile à classer : à la fois drôle, surprenant et totalement insoumis, il opère à la manière d'un OVNI dans le paysage du cinéma français de cette rentrée. Cet enthousiasme est magnifiquement porté par les routes taillées au milieu des arbres, de la météo capricieuse et d'une musique puissante - bande originale composée par Alex Gopher. Et si l'on évoquait déjà ce genre d'expérience de la césure à travers lequel on s'éprouve dans Arrête ou je continueil s'agit ici d'un degré de maîtrise éminemment supérieur.
     Cailley, fraîchement diplômé de la Femis, et dont il s'agit du premier long-métrage, est sans conteste un nom à suivre. 

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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3268688.htmlTue, 16 Sep 2014 14:46:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/les-combattants-thomas-cailley-2014-3268688.html
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/claude-viallat-3268395.htmlClaude Viallat
Nous voilà de retour après un été sous les couleurs de Viallat et de sa grande rétrospective qui se tient encore pour quelques temps au Musée Fabre de Montpellier (28 juin-2 novembre 2014). Après être passé à l'antenne de France Culture en début d'été -en compagnie de son acolyte Alain Montcouquiol- pour évoquer sa jeunesse, sa méthode de travail et le courant Supports/Surfaces, Viallat est à nouveau à l'honneur sur les ondes, dans l'émission A voix nue d'Arnaud Laporte cette semaine. Il aura donc fallu tout un été pour laisser s'étendre le travail du peintre et s'imprégner de ses petits "haricots" de couleurs reconnaissables entre tous. Viallat, qui répond si évasivement lorsqu'on lui demande s'il s'agit d'éponge, d'osselet ou encore de brique, parce qu'au fond cela importe peu, exprime depuis son atelier à Nîmes tout son amour pour le travail, le travail-action, puisque réfléchir n'est pas ce qui l'intéresse le plus ici. L'artiste, prolixe, passe en effet ses journées à expérimenter formes et couleurs, à aller au bout de son idée, celle de peindre encore et encore, de libérer la matière, la couleur, la forme, de toute idée préconçue, de toute réflexion qui entraverait la sensation. Ainsi Viallat nous offre sa vision du monde, des peintres tels que Matisse ou Picasso chez qui il avoue piocher ouvertement et sans modération. Et pour s'échapper du joug que ceux-ci pourraient exercer, l'artiste s'affranchit là aussi en... peignant. Peindre chaque jour une à plusieurs toiles. Peindre comme une réponse infinie, toujours réitérée.
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http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/commentaires-3268395.htmlThu, 04 Sep 2014 17:49:00 +0200http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/claude-viallat-3268395.html