La danse, pour certains considérée comme art suprême parce qu'en train de se faire au moment où nous la regardons, termine tout juste sa mise à l'honneur dans la ville de Lyon. Durant les derniers jours de la Biennale a eu lieu, au théâtre de Croix-rousse, la représentation Planites de Patricia Apergi. Planites comme les planètes, comme ces comètes que sont ces cinq garçons saccadés, élancés, à toute allure ou bien dans la difficulté à se mouvoir. Et les pas oscillent entre cette fièvre, ce tourbillonnement incessant et le chaos, la fragmentation, l'impossibilité parfois d'avancer, dire. Ainsi de la musique planante qui se coupe dès lors qu'un duo de danseurs se casse, et que, esseulé, un danseur éclairé sous le pâle halo blanc des projecteurs, n'arrive plus à bouger que par à-coups, et à parler en langue indéchiffrable. Une langue perdue, incompréhensible, éructée à la manière d'Artaud, parce qu'il faut tout de même persévérer, tenter le dialogue, la danse : le cri, oui. Le verbe semble alors coupé au couteau, à peine audible, déjà animal mais encore humain. Fracassé comme celui de Beckett, errant, dans un sens qu'il faut sans cesse aller chercher au-delà du discours et des formes : dans le mouvement, l'alignement des planites de ce quintet à la grâce butée, saccadée. Ainsi la chorégraphie nous évoque une danse au-delà du contemporain, puisée dans la rue, dans la gestuelle entêtante d'un monde urbain envoûtant et convulsé, nomade, périphérique et pourtant partout présent.