http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/shook.png Après un premier album (A Mouthful, 2008) solaire, prometteur mais un brin fleurs bleues, naïf comme on construit une première oeuvre, The Dø revenait en 2011 avec Both Ways open jaws, plus sombre, aux arrangements parfois tellement travaillés que l'on frôlait l'illisibilité, notamment lors des concerts où la trompette de Dan s'entêtait jusqu'à l'écoeurement. Mais The Dø reste, depuis ses débuts, hors catégorie et a de quoi nous rendre plus qu'enthousiastes. Leur troisième album, Shake Shook Shaken, qui vient de sortir, s'affranchit de ces multiples instruments présents depuis leurs débuts, s'affranchit des acoustiques et d'une formule réussie qu'ils ont eu le bon sens de ne pas bêtement reproduire. 
Néanmoins une cohérence est bel et bien perceptible, notamment dans la plume d'Olivia, qui semble écrire de puissants contes lumineux, même lorsqu'elle aborde des choses très simples. Le "nous" a également pris le pas sur le "je" des précédents albums, pour un côté plus fédérateur comme elle le dit elle-même.
http://jemappelleferdinand.cowblog.fr/images/20142015/shake.jpgBeaucoup semblent déçus, trouvent ces nouvelles sonorités composées en Normandie trop communes, ou commerciales, c'est selon. Comme si musique populaire sonnait forcément avec manque d'exigence, comme si musique populaire regroupait tout ce qui passe en boucle sur les ondes, oubliant au passage que le plus important est ce que l'on injecte, ce que l'on donne de soi, peu importe le format. Format ou média légitimes dès lors que l'on ne fait pas de compromis pour les investir. Alors oui, ce troisième album est sans doute plus accessible, et tant mieux, puisque ça ne veut rien dire d'autre que de rencontrer un public. Public qui, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, est loin d'être idiot.

Ces sonorités épurées et synthétiques ont vu le jour dans un château d'eau du XIXe siècle au milieu des champs et via boîtes mails interposées, puisque le duo, qui l'était autrefois à la scène comme à la ville comme on dit, ne l'est plus qu'à la scène. "Pour le meilleur et pour le pire" peut-on lire et entendre un peu partout au fil de leurs interviews. Et c'est véritablement là que commencent les choses intéressantes : car en effet, comment créer à deux, exercice déjà périlleux en "temps normal", qui relève presque d'une bataille de tous les instants lorsque la rupture est entière, consommée? Et en effet c'est de courage, d'affrontement et de futur que le nerveux Shake Shook Shaken semble vouloir nous parler. Ainsi Olivia chante-t-elle "chaos is my second home", et de ce chaos émerge un album à la grammaire secouée.
Si l'on aurait pu attendre de cette séparation une fin définitive du groupe, ou une musique un peu éteinte, rabâchée, il n'en est rien : le duo franco-finlandais semble au contraire plus que jamais prêt à combattre, à l'instar des synthés entêtants et de la combinaison guerrière qu'Olivia arbore en toute occasion, et rouge s'il vous plait. De cette tenue de combat qui semble émerger d'une soudaine confrontation au monde moderne, d'une approche plus frontale de la musique, de la gestuelle nettement plus conquérante sur scène, de ces morceaux à l'épure scandinave, est né un album hargneux, plein d'espoir, sans doute le plus abouti à ce jour pour le duo. Un monde presque post-apocalyptique, industriel et composé d'immenses espaces bétonnés ou en friche, à l'instar du tarmac sur lequel est tourné le clip qui nous dévoile une chorégraphie ultra énergique en forme de manifeste surréaliste. Et de catharsis, car au fond c'est toujours de ça qu'il retourne.